Pully ne soutient pas l’accord sur la participation à la cohésion sociale
La Municipalité, par un communiqué daté du 31 août 2020, rejoint les rangs des détracteurs de l’accord passé entre l’Union des Communes Vaudoises (UCV) et l’Etat de Vaud.
La Municipalité, par un communiqué daté du 31 août 2020, rejoint les rangs des détracteurs de l’accord passé entre l’Union des Communes Vaudoises (UCV) et l’Etat de Vaud.
Après une année de discussions, le Conseil d’Etat et l’Union des Communes Vaudoises (UCV) ont présenté le 25 août 2020 un protocole d’accord portant sur la répartition des charges liées à la Participation à la Cohésion Sociale (PCS). Petit rappel des faits : la facture sociale pour le canton se monte annuellement à 1.8 milliard de francs dont la moitié est à la charge des localités. En 2019, elle a coûté près de 40 millions à Pully, soit plus de 2000 CHF par habitant. Cette clé de répartition, décidée en 2004 alors que les finances étatiques étaient au plus bas, a permis au Canton de remettre ses comptes à niveau via l’apport financier des communes qui ont injecté 3.5 milliards en 16 ans. La situation s’est aujourd’hui inversée : le Canton boucle année après année avec des excédents et possède des milliards en caisse ; les communes quant à elles tirent la langue. Les municipalités et les associations de communes aimeraient un rééquilibrage de la facture, avec dans l’idéal un retour à la répartition d’avant 2004 : un tiers à la charge des communes, deux tiers supportés par l’Etat. Une règle de calcul simple que l’UCV n’a pas réussi à obtenir. En lieu et place, il nous est servi un accord compliqué, en dépendance avec d’autres dispositions antérieures et qui, surtout, sera mis en œuvre sur 8 ans sans véritablement régler le problème.
Si l’UCV assume pleinement que le protocole est un compromis et affirme qu’il est le premier pas vers des négociations ultérieures, l’Association de Communes Vaudoises (ADCV), qui regroupe les communes dites «riches», ne mâche quant à elle pas ses mots. Ayant quitté abruptement la table des négociations au mois de juillet, elle dénonce purement et simplement la capitulation de l’UCV face à l’Etat. La mise en œuvre du texte prévoit dès 2021 une participation supplémentaire et progressive de l’Etat jusqu’à atteindre un plafond de 150 millions en 2028. Pour l’ADCV, c’est trop peu : il faudrait au moins 250 millions pour absorber la hausse mécanique des charges sociales qui est en moyenne de 4.5% par année. En d’autres termes, dans 8 ans, et en admettant l’hypothèse d’une croissance linéaire, l’augmentation de la participation des communes sera supérieure à l’aide apportée par le Canton.
Des arguments qui sont largement repris par la Municipalité dans son communiqué. Elle évalue jusqu’en 2028 la progression de la PCS pour Pully à 15%, soit près de 6 millions qui ne devraient pas être entièrement compensés par la manne étatique. Elle souligne également que l’accord ne fixe pas les règles et modalités de répartition des coûts entre les communes, ce qui est indispensable pour connaître et comprendre les incidences de l’accord sur nos finances locales, la péréquation actuelle étant particulièrement défavorable à notre ville.
La position de l’ADCV – et en conséquence celle de la Municipalité – sonne assez juste. Alors que l’Etat boucle depuis 15 ans avec des excédents, on ne peut que lire dans cet accord sa mauvaise volonté à apporter une aide rapide et proportionnée aux communes. Pourquoi cette durée de 8 ans ? Nul ne la justifie alors que plus de 500’000 Vaudois-es vivent dans une commune en difficulté financière. Autre élément surprenant, l’UCV renonce via ces dispositions à soutenir toute intervention parlementaire sur la répartition des dépenses sociales, le financement de la PCS ou la facture policière jusqu’en 2028. Que l’UCV ait accepté ainsi d’être réduite au silence appelle à la plus grande incompréhension. Elle se justifie en indiquant que cette disposition «l’engage à ne pas revenir demain sur sa parole et ses engagements». Il faut davantage y voir une interdiction qui lui est faite de soutenir toute grogne des député-e-s, et plus particulièrement, s’il devait aboutir, le projet d’initiative «SOS communes», porté par les PLR Josephine Byrne Garelli et Pierre-André Romanens. Un texte qui a déjà le plein de soutien de l’ADCV.
On notera aussi, dans ce protocole, plusieurs dispositions qui semblent montrer que l’Etat veut augmenter son contrôle sur les communes : la reprise des régions d’action sociales (RAS), des agences d’assurances sociales (AAS) ou encore l’obligation faite aux communes de discuter d’un «mécanisme de maîtrise des finances», permettant au Conseil d’Etat de décider d’une augmentation d’impôts automatique dans une localité, sous certaines conditions comme des comptes déficitaires depuis plusieurs années. Cette volonté d’une tutelle de l’Etat sur les finances communales n’est pas bon signe. C’est une aussi une manœuvre habile. Après avoir saigné à blanc les communes et créé les conditions de leurs déséquilibres, le Canton pourrait décider dans les localités les plus à la peine de faire passer en force une hausse des prélèvements. Ce qui saurait évidemment lui profiter au passage.
Si l’on doit se réjouir qu’un échange entre les communes et l’Etat ait pu avoir lieu et qu’une première bouffée d’oxygène soit apportée aux communes vaudoises, ce protocole d’accord possède un arrière-goût désagréable malgré le triomphalisme des deux parties. L’UCV semble accepter que l’Etat mène la danse. Elle a choisi d’adopter une politique de petits pas, ouvrant les négociations par un accord financièrement peu convaincant et flou dans certains aspects majeurs de son application. Il nous semble largement profitable au Canton dans les promesses octroyées, avec l’espoir, sans doute, de grappiller mieux plus tard. Pas sûr que ce soit la meilleure approche face à un interlocuteur qui a un coup d’avance dans son approche stratégique et semble, face à des communes affaiblies, convaincu de sa supériorité. Quelle que soit la lecture que l’on puisse faire de ce protocole, par la multiplicité des signes de défiance et de prudence qui l’émaillent, il ne fleure pas le bon air du partenariat authentique, sincère et équitable. Et c’est sans doute de là que vient son amertume. De ce sentiment que l’Etat, dans sa posture confiscatoire et arrogante, ne respecte pas les communes, leurs besoins et leurs projets. Au final, ce sera les contribuables qui passeront à la caisse et auront à subir des hausses d’impôt inévitables.
L’accord a été approuvé à 75% par les membres de l’UCV lors de l’assemblée générale du 17 septembre 2020. Il devra encore être validé par le Grand Conseil. Durant la même soirée, les représentants de l’ADVC, également en réunion, ont rejeté le texte et invitent les député-e-s à en faire de même. La partie ne fait que commencer.